image pour l’Afrique

Entretien avec Christophe LAMANDE,

1.Pensez-vous qu’il est nécessaire de déconstruire l’image de l’Afrique en vue de la reconstruire ?
L’Afrique est désormais le centre de toutes les attentions. Elle est enfin devenue un « continent d’avenir ». Cette vision nouvelle reste cependant une image occidentale passablement réductrice, passant sous silence qu’il n’y a pas une Afrique mais une mosaïque d’Afriques.
L’Afrique est en effet un continent et elle en a la géographie, la diversité et la démographie. C’est ainsi un ensemble physiquement cohérent mais soumis à des influences humaines et historiques contradictoires qui l’ont constamment placée à la charnière de l’histoire.
L’Afrique est aussi le berceau de l’humanité, elle en a donc l’histoire. Une histoire pluri millénaires avec son lot de périodes d’apogées et de décadences, que malheureusement nous résumons bien trop souvent à son passé colonial.
Cet aveuglement face à la diversité africaine, ce refus de s’inscrire dans une longévité historique ont faussé l’image d’un continent régulièrement considéré comme le parent pauvre de l’humanité.
Il ne s’agit donc plus de déconstruction et de reconstruction d’image mais plutôt de réappropriation. La géographie et l’histoire des peuples sont des éléments de compréhension incontournables du présent. Nous sommes par conséquent intimement persuadés que c’est en se réappropriant son passé millénaire, en le comprenant et en l’acceptant que l’Afrique construira son avenir.

2.D’après les contacts à l’échelle africaine que vous avez établis, avez-vous senti une prise de conscience chez les responsables africains de l’importance de ce concept?
Je dirai plutôt qu’ils sont comme Monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir. Ils font ou aspirent à faire sans s’en rendre compte du « country branding ».
Deux phénomènes amplifient cet état d’esprit.
Le premier c’est la relative facilité et l’aisance avec laquelle les élites africaines voyagent et travaillent d’un pays africain à un autre. Il est courant de trouver à la tête des entreprises avec lesquelles nous travaillons des équipes panafricaines.
Le second c’est le « retour au pays » de nombreux Africains qui ont fait leurs études et occupé des postes à responsabilités en Europe ou en Amérique du Nord.
Ces deux populations même si elles sont parfois compliquées à faire cohabiter et travailler ensemble,se rejoignent cependant sur un fait : la vision novatrice qu’ils ont de l’Afrique et la volonté de lui redonner la place qu’ils estiment être la sienne sur le plan mondial.

3.Certains pays d’Afrique plutôt stables sont-ils en train de pâtir de l’image globale du continent ?
Non bien sûr… Pour moi ils sont plutôt une avant-garde, un exemple à suivre, un modèle à atteindre. Tout comme l’Europe, l’Afrique est une mosaïque de peuples que l’histoire a brassés plus ou moins violemment au cours des siècles. C’est de cette diversité et de ce brassage historique que doit naître « l’idée africaine ».
C’est en reconnaissant eux-mêmes leur diversité, c’est en acceptant leur histoire, c’est en privilégiant les échanges que les peuples africains permettront à « l’idée africaine » de supplanter dans les esprits la notion de « continent africain ».
C’est cette « idée africaine » qui devra alors inspirer les dirigeants africains du XXIéme siècle, et c’est autour d’elle que se forgeront les valeurs de l’Afrique de demain, sa réussite et sa contribution à la bonne marche du monde.